Ariège : désaccord mémoriel sur fond de Libération de la ville de Foix
À l’occasion du 77e anniversaire de la libération de Foix, ce jeudi 19 août, une plaque commémorative en l’honneur de Marcel Bigeard, alors connu sous le pseudonyme de «commandant Aube», suscite l’ire de l’association des anciens guérilleros.
C’est une de ces photographies qui font l’Histoire. Celle de trois hommes, aux uniformes impeccables et au regard pénétrant, dont la proximité physique souligne la condition de frères d’armes. Le 9 août 1944, quelques jours avant d’être immortalisés par l’objectif du photographe, le major Bill Probert, des services secrets britanniques, le chef de brigade Pascual Gimeno Rufino - alias Royo - et le commandant Marcel Bigeard - alias Aube - participaient ensemble à l’assaut qui a permis, en quelques heures, de libérer la ville de Foix de l’Occupation allemande.
« Une falsification historique »
Ce jeudi 19 août 2021 - 77 ans après - Norbert Meler, le maire de Foix, doit poser une plaque en l’honneur du troisième. « Marcel Bigeard, alias « commandant Aube », parachuté le 8 août 1944, il favorise les parachutages d’armes pour la Résistance ariégeoise, dirige les combats de la 3e Brigade des Guérilleros Espagnols, obtient la reddition de la garnison ennemie et la libération de Foix du joug nazi, le 19 août 1944 », indique cette plaque.
« Une falsification historique » : c’est ainsi qu’Henri Farreny, président national de l’association des anciens guérilleros en France - forces françaises de l'intérieur (AAGEF-FFI), décrit ce texte, qui suscite chez lui l’« indignation ».
Au cœur de ce désaccord mémoriel, l’absence du commandant « Royo » et la phrase « [Marcel Bigeard] dirige les combats de la troisième brigade ». « C’est insensé ! », affirme Henri Farreny, pour qui le militaire français n’avait « aucune autorité » sur cette unité de maquisards espagnols. « Son rôle était celui de conseiller auprès des FFI. Dans ses livres, il ne s’est jamais attribué d’autres fonctions », précise Henri Farreny.
Pourtant, au départ, son association était favorable à cette plaque. Elle a même participé à son élaboration, au sein d’un groupe de travail animé par l’office national des anciens combattants (Onac). « D’autres organisations ont refusé, à cause de la carrière ultérieure de Bigeard, en Indochine et en Algérie. Mais pour les guérilleros, c’était un frère d’armes. Nous respectons la chronologie de l’Histoire. »
Dans le premier texte, transmis par l’Onac à la mairie de Foix, le nom de « Royo » était présent, aux côtés de celui de Marcel Bigeard. « Je l’ai recentré autour du commandant Aube », confirme Norbert Meler, qui désigne le militaire par son nom de résistant. « Comme l’Onac le demandait depuis plusieurs années, je me suis engagé à commémorer le commandant Aube, et personne d’autre, explique-t-il. Le premier texte était assez long, je n’ai pas l’intention d’édifier un nouveau monument aux Morts. Ce nouveau texte a été validé par l’Onac. » Ce que confirme Éric Perin, directeur de l’Onac 09.
Une mauvaise interprétation ?
La nouvelle mouture a aussi reçu l’aval de Paul Gos, président départemental de l’association nationale des anciens combattants de la Résistance (ANACR). «Je ne dis pas que ce texte me satisfait à 100 %. Mais il est destiné au commandant Aube, point final. Je ne comprends pas ces manifestations déplacées. »
Pour lui comme pour Éric Perin, il y a une mauvaise interprétation du terme « dirigé ». « Ce qu’il faut comprendre par là, c’est que le commandant Aube a dit aux guérilleros de passer à l’action, alors que l’état-major des FFI avait donné l’ordre d’attendre », rappelle Paul Gos. « Personne ne remet en question le commandement de la 3e brigade par Royo », ajoute Éric Perin.
Mais pour Henri Farreny, cette plaque est une « injure », dans une « ville libérée par le sang espagnol ». Il a déjà adressé un courrier à Sylvie Feucher, la préfète d’Ariège, pour lui demander son soutien. Et annonce une « riposte » en lien avec d’autres associations. « Nous ne laisserons pas passer une falsification pareille. »
19 août 1944 : l’assaut des guérilleros
258 minutes : c’est le temps qu’il aura fallu à la 3e brigade de guérilleros espagnols pour libérer la Cité comtale, le 19 août 1944. Les autres composantes des forces françaises de l’intérieur (FFI) avaient reçu, de leur état-major, l’ordre d’attendre. « On comprend pourquoi : dès le lendemain, 300 Allemands étaient à Prayols. En réalité, la bataille de Foix ne s’est terminée que le 22 au matin », souligne Paul Gos, président de l’association nationale des anciens combattants de la Résistance en Ariège.
Mais ce 19 août, les chefs des maquisards espagnols, José Alonso - alias « Robert », Pedro Abascal - « Madrilés » - et Pascual Gimeno - « Royo », accompagné du major Probert, des services secrets britanniques et du Français Marcel Bigeard - le commandant « Aube », décident de passer à l’action. Ils neutralisent les occupants allemands de la villa Lakanal, du pech de Foix et de la préfecture.
Alors qu’un train de soldats allemands entre en gare, il est neutralisé par les francs tireurs et partisans (FTP), un autre groupe de résistants. Les Allemands, retranchés dans le lycée Gabriel-Fauré, finissent par se rendre, bombardés et mitraillés de toutes parts par les résistants. De l’autre côté de la ville, le guérillero Crescencio Muñoz arrache la croix gammée qui flottait depuis deux ans sur le château, et le remplace par le drapeau républicain espagnol. Il est 21 h 30, la cité comtale est libérée.
Les guérilleros se sont particulièrement illustrés en Ariège. Foix est la seule préfecture qu’ils ont intégralement libérée. La 3e brigade était composée d’exilés qui ont pris les armes en 1941. « Royo » en a pris le commandement en juin 1944. Dès octobre, il retourne en Espagne ou il est arrêté, puis assassiné en 1945.
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